Mise en conformité de Code du Travail français avec le droit européen
À la suite des décisions de la Cour de cassation de septembre dernier, le Code du Travail français a été modifié par la loi n°2024-364 du 22 avril 2024 (dite DDADUE) pour le mettre en conformité avec le droit européen. L’application de la loi étant rétrospective à compter du 1er décembre 2009 pour les arrêts pour maladie non professionnelle, sous réserve des dispositions détaillées ci-après, il convient d’en tirer les conséquences comptables dès la prochaine clôture intermédiaire de l’exercice 2024.
Cette loi introduit les modifications suivantes :
- Tous les arrêts maladie donnent droit à congés payés, qu’ils soient d’origine professionnelle ou non, et
- L’acquisition de congés payés se poursuit au-delà d’un an d’arrêt continu.
Le droit à congés payés pendant les arrêts maladie d’origine non professionnelle est toutefois limité à 2 jours ouvrables par mois, au lieu de 2,5 jours par mois pour les périodes de travail effectif et d’arrêt maladie d’origine professionnelle.
Il convient de rappeler que certaines conventions collectives ou accords d’entreprise prévoyaient d’ores et déjà des dispositions plus favorables que celles du Code du Travail, ce qui a pour effet de limiter ou d’annuler l’impact de ces nouvelles dispositions.
La prescription du droit à congés payés ne court qu’à compter du moment où l’employeur a mis le salarié en mesure d’exercer ce droit. Toutefois, lorsque le contrat de travail est suspendu depuis au moins un an en raison de la maladie ou de l’accident, une limite de 15 mois à la possibilité de reporter les congés payés à partir de la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis a pour effet de d’empêcher l’acquisition illimitée de congés dans le cas d’arrêts maladie de très longue durée.
Bien que l’application de la loi soit rétrospective à compter du 1er décembre 2009 pour les arrêts pour maladie non professionnelle, les effets de cette rétroactivité sont cependant limités par une disposition plafonnant le nombre total de jours de congés payés à 24 jours par période de référence pour les droits passés à la date d’entrée en vigueur de la loi (le 24 avril dernier). Cette disposition – applicable uniquement aux droits passés- a pour effet qu’aucun jour de congés payés n’est acquis pour les arrêts maladie d’une durée inférieure à 2,5 mois par période de référence. En outre, les ex-salariés ayant quitté l’entreprise depuis plus de 3 ans ne peuvent faire valoir aucun droit au titre des périodes passées en raison de la prescription triennale des actions en paiement de salaires.
Pour l’application des règles de report dont peut bénéficier le salarié, il faut distinguer les périodes d'absence selon les périodes d’acquisition des congés auxquelles elles se rattachent (en général du 1er juin au 31 mai).
Les réclamations au titre de droits passés doivent être introduites dans un délai de 2 ans à compter de cette même date.
Actualité normative
L’actualité normative IFRS est particulièrement riche en cette période. Après la publication fin novembre dernier des propositions de l’IASB concernant la distinction dettes/capitaux propres, qui sont notamment susceptibles d’avoir un impact sur la comptabilisation des puts minoritaires, et en avril de la norme IFRS 18, qui modifiera en profondeur la présentation du compte de résultat et des informations en annexe à compter de 2027, deux projets en cours pourraient entraîner des conséquences importantes sur les états financiers dans un avenir proche :
- Le premier concerne les informations à fournir au titre des regroupements d’entreprises et les tests de dépréciation des goodwill (Business Combinations – Disclosures, Goodwill and Impairment) ;
- Le second est relatif à la comptabilisation des contrats de fourniture d’électricité renouvelable (Renewable Energy Contracts).
Ces projets peuvent encore être commentés, respectivement jusqu’au 15 juillet et 7 août 2024.
Exposé-sondage Business Combinations – Disclosures, Goodwill and Impairment
Ce projet propose notamment les modifications suivantes:
- Pour IFRS 3 Regroupements d’entreprises, une révision significative des informations à fournir au titre des regroupements d’entreprises, tant pour l’exercice au cours duquel ils ont lieu qu’au cours des années qui suivent, et
- Pour IAS 36 Dépréciations d’actifs, une clarification du niveau auquel le goodwill peut être alloué, et des modifications des règles de calcul de la valeur d'utilité.
Informations à fournir au titre des regroupements d’entreprises
L’IASB propose d’ajouter deux nouveaux objectifs d’informations à fournir au sein des états financiers (et non du rapport de gestion) concernant :
- Pour tous les regroupements d’entreprises (matériels) réalisés par la société : les avantages attendus du regroupement d’entreprises lors de la négociation du prix d’acquisition ; et
- Uniquement pour les regroupements d’entreprises identifiés comme « stratégiques » sur la base de critères qualitatifs ou quantitatifs énoncés par l’IASB : le niveau d’atteinte des objectifs clés et de réalisation des niveaux cibles associés postérieurement à l’acquisition.
S’agissant des avantages attendus du regroupement d’entreprises, des informations seraient exigées concernant :
- La motivation stratégique du regroupement d’entreprises ; ainsi que
- Les synergies attendues. Une entité devrait à ce titre produire les informations suivantes :
- La description par catégorie des synergies attendues (synergies de coûts, de chiffre d’affaires, etc.) ;
- Une estimation du montant (ou d’une fourchette) pour ces synergies ;
- Une estimation du montant (ou d’une fourchette) des coûts nécessaires pour obtenir ces synergies ; et
- La date à partir de laquelle l’entité commencera à réaliser ces synergies et la durée sur laquelle elle s’attend à les réaliser.
S’agissant de l’atteinte des objectifs des regroupements d’entreprises « stratégiques », les informations suivantes seraient exigées pour chaque acquisition :
- Lors de l’exercice au cours duquel le regroupement d’entreprises intervient :
- Les objectifs clefs (key objectives) assignés à la date d’acquisition au regroupement (par exemple : accroître le chiffre d’affaires d’une zone géographique donnée) ; et
- Les niveaux cibles associés (targets), sous forme d’un estimé unique ou d’une fourchette (par exemple : réaliser une hausse de chiffre d’affaires de 45 % d’ici 2027 sur cette même zone).
- Lors des exercices ultérieurs et aussi longtemps que cette information sera suivie par les principaux dirigeants de l’entité acquéreuse : le niveau d’atteinte des objectifs clefs et de réalisation des niveaux cibles associés accompagné d’une déclaration qualitative sur l’atteinte de ces objectifs et niveaux cibles.
Les entreprises seraient autorisées à ne pas fournir, au cas par cas, les informations relatives aux synergies attendues, aux objectifs clefs et aux niveaux cibles associés ainsi que la déclaration qualitative sur leur atteinte postérieurement à l’acquisition si l’on peut s’attendre à ce que communication de ces dernières cause un préjudice sérieux à l’atteinte de tout objectif clef assigné à ce regroupement, sous réserve de le justifier en annexe.
Ces amendements entreraient en vigueur de façon prospective aux regroupements d’entreprises réalisés à compter de leur date effective.
Tests de dépréciation du goodwill
Le goodwill reste non amortissable mais l’IASB propose en particulier de clarifier que son allocation pour les tests de dépréciation ne se fait pas, par défaut, aux secteurs opérationnels. Au contraire, l’entité devrait :
- D’abord identifier les unités génératrices de trésorerie (ou groupes d’UGT) qui bénéficieront des synergies du regroupement d’entreprises ;
- Puis identifier le plus petit échelon au niveau duquel de l’information financière relative à ces UGT est régulièrement revue par le management pour suivre l’activité associée au goodwill.
Cette clarification est susceptible de conduire à tester la dépréciation des goodwill à un niveau plus fin qu’actuellement.