L’Allemagne ? Considérer que la première économie européenne – son PIB est 1,5 fois supérieur à celui de la France – peut durablement être distancée serait une erreur. Certes, elle a vu le nombre d’investissements étrangers chuter de 12% l’an dernier. Mais gardons à l’esprit que notre voisin a capté les projets les plus importants et les plus créateurs d’emplois au cours des dernières années et reste une formidable puissance industrielle et exportatrice.
Dans le reste du Continent, l’Espagne, la Pologne et la Turquie s’affirment comme les challengers des « trois grands », notamment lorsqu’il s’agit d’aimanter les projets de relocalisation, les grands projets industriels ou les plateformes de services. Les enjeux économiques entre grands blocs, aussi, seront déterminants pour que la France puisse placer ses atouts sur la scène internationale. Car l’avenir ne se joue pas seulement en Europe. Entre 2022 et 2023, les flux d’investissement étranger attirés par le Vieux Continent ont beaucoup plus reculé (-20%) quand ils progressaient de 2% aux Etats-Unis et bondissaient de 17% en Asie, Chine, Inde et pays de l’ASEAN en tête… C’est dire à quel point une Europe en guerre fait peser une lourde hypothèque sur notre attractivité en dépit des améliorations de notre propre proposition de valeur.
Par ailleurs, rappelons que les positions dans ce classement sont précaires. Il faut peu de temps aux investisseurs pour réviser leurs choix et changer de stratégie d’investissement, surtout dans les activités de services ou dans la technologie, face aux chocs économiques et géopolitiques qui ébranlent les plus optimistes et malmènent les plus fragiles.
Résoudre l’impossible équation économique, sociale et environnementale
Certes, depuis quelques années, la France peut se targuer d’une croissance économique souvent supérieure à celles de ses principaux rivaux. Mais afficher une hausse de 0,9% du PIB, comme en 2023 par exemple, ne constitue pas une performance historique. Certes, le taux de chômage a reculé, mais il reste élevé. En outre, la pénurie de talents et les tensions observées dans certains métiers sont fortes, au point d’être handicapantes.
Certes, la réindustrialisation est en cours, un projet sur deux recensés par EY étant de nature industrielle. Mais elle n’est pas assez dynamique pour permettre au made in France de retrouver sa splendeur passée. Selon le tout nouveau « Baromètre industriel de l’Etat », 57 nouvelles usines seulement ont été créées sur notre territoire en 2023… et les déficits générés année après année par notre balance commerciale permettent de mesurer le chemin qu’il reste à parcourir.
Certes, la France s’est montrée volontariste et aux côtés des entreprises. Mais cette stratégie s’est également traduite par une forte dégradation des comptes publics. Annoncé fin mars, le creusement plus important que prévu du déficit public en 2023 est une très mauvaise nouvelle car elle écorne l’image de la France en tant que pays gestionnaire et fait douter de sa capacité à maintenir un cap d’absence de nouveaux prélèvements fiscaux. Cette fragilité financière est inquiétante. Elle donne l’image d’une France à la merci des agences de notation. Une telle perception pourrait être de nature à détourner les investisseurs et entrave les efforts budgétaires et fiscaux qu’il reste à produire pour continuer à améliorer sa compétitivité coût et hors coût et lui permettre d’être un pays qui compte dans les secteurs d’avenir.
Certes, la France donne le ton sur la transformation profonde et essentielle de son empreinte écologique. Une énergie fortement décarbonée, les moyens développés pour une industrie plus verte, la prise de conscience citoyenne qu’une consommation plus sobre et plus locale forment la voie, la seule voie possible. Mais que de moyens à consacrer quand les marges de manœuvre sont si réduites. Que de réticences devant les obligations, normes et injonctions que requiert la transition écologique dans le pays de l’Accord de Paris.
Certes, la France a rassuré beaucoup d’investisseurs qui savent naviguer à travers la complexité. Mais si elle ne parvient pas à résorber totalement certains irritants chroniques – fiscalité encore trop lourde, procédures trop enchevêtrées, climat social imprévisible… –, elle ne séduira pas ceux qui doivent aller vite et avec agilité, notamment les start-up et PME qui n’ont pas les ressources ni le temps de patienter. Enfin, dans un monde déjà troublé, nos fragiles équilibres politiques et les éruptions sociales dont nous sommes coutumiers pourraient finir par inquiéter à l’approche des futures échéances électorales.
Envie de France
En accueillant les Jeux olympiques et paralympiques, la France a une magnifique occasion de séduire et de faire étalage de ses forces au monde entier. Pour faire aimer la France. Pour donner envie de France. Mais les compétitions ne dureront qu’un mois…
Alors que le nombre de francophones dépassera le milliard d’ici à vingt ans, la stratégie tricolore de « soft power » est trop illisible sur le long terme pour ne pas être repensée sinon réinventée. Le message des investisseurs étrangers est clair. La France est prometteuse. Ses atouts et ses atours sont extraordinaires. Mais l’inertie est inenvisageable. Au risque de la voir perdre de son attrait et reculer dans notre classement d’attractivité. Pour exister de manière pérenne sur le théâtre de l’attractivité, il est indispensable de renouveler en permanence ses engagements envers les investisseurs.
Comme l’an dernier, le Baromètre EY de l’attractivité se déclinera en deux épisodes. Le 19 juin prochain sera publiée la seconde partie de cette étude. Elle fera la part belle aux expertises des équipes EY ainsi qu’à celles de chefs d’entreprises, parlementaires, économistes, partenaires sociaux, représentants du monde institutionnel, et de tous ceux qui formulent un rêve pour une France plus attirante, conquérante et rayonnante.