Il est frappant de constater que la crise Covid-19 a accéléré la reconnaissance des enjeux sociaux et environnementaux comme facteurs de risque et d’opportunités stratégiques, et oblige les entreprises à faire des choix rapides sur des sujets complexes : (re)définir la raison d’être, repenser l’organisation du travail, améliorer la résilience de la supply chain, réorienter le portefeuille produits, etc. Pour accompagner ces ruptures et besoins d’innovation, les instances de gouvernance cherchent, elles aussi, à se réinventer et la RSE en est l’un des leviers puissants.
Les comités traitant de la RSE s’imposent dans le paysage
Le Panorama de la Gouvernance 2020, publié par EY en partenariat avec Ethics&Boards et Labrador, montre que la RSE s’est imposée dans les Conseils : 78% des entreprises du CAC40 et 53% du SBF120, contre respectivement 63% et 44% en 2019, disposent d’un comité traitant de la RSE. Mais cette évolution positive est clairement à nuancer : si la préparation des informations extra-financière est examinée par le comité d’audit dans plus de 80% des cas, seul un sur cinq analyse les indicateurs RSE. Ceci laisse penser que l’information n’est pas jugée assez pertinente et fiable, ou bien que les compétences nécessaires à une analyse fine font défaut (seuls 13% des Conseils disposent d’une compétence RSE).
Or le constat est unanimement partagé, jusqu’à Davos : l’information extra-financière devient critique. Notamment pour les investisseurs, puisque l’immatériel représente, tous secteurs confondus, plus de 50% de la valeur de marché des entreprises. Ou pour les comités des rémunérations, puisque dans plus de la moitié des entreprises du SBF120 la rémunération variable des dirigeants intègrent des critères RSE quantitatifs*.
Comment faire progresser la RSE et ses enjeux au sein des instances des instances de gouvernance ?
Le reporting RSE a longtemps souffert d’un manque de lisibilité. L’information RSE sera pertinente et percutante pour les Conseils lorsqu’elle se focalisera uniquement sur les sujets critiques analysés au travers du prisme de la gestion des risques long terme pour l’entreprise. Cela implique de raffiner les métriques existantes pour mieux capter la valeur créée et détruite (pour les collaborateurs, les fournisseurs, les territoires, la planète) et évoluer vers la mesure d’impact. Il parait aussi essentiel de questionner le rapport de 1 à 30 environ entre les ressources dédiées à l’information financière et celles consacrées au reporting extra-financier, que ce soit en termes d’effectif, de budget IT ou d’audit ! Mais les tendances sont positives. On voit se développer l’intégration de la RSE dans les programmes d’audit interne, ainsi que l’instauration d’objectifs RSE quantitatifs chez les cadres supérieurs. Enfin, on constate davantage de nomination de cadres dirigeants pour traiter de RSE (ex : VP Finance durable, VP ressource et économie circulaire…).
L’émergence d’un « capitalisme des parties prenantes » à l’agenda des Conseils ?
Pour être en mesure de saisir les évolutions à l’œuvre sur son marché et se préparer au monde de demain, plus interconnecté, plus véloce et plus compétitif, il semble indispensable de renforcer la diversité des profils dans les conseils et de donner la parole à une plus grande diversité de points de vue : scientifiques, philosophes, anthropologues, sociologues, associations, jeunes générations. Ainsi de nouvelles pratiques se font jour, même si elles sont encore timides, pour apporter aux administrateurs l’éclairage des « parties prenantes » avec par exemple des panels de critical friends, ou encore des shadow boards, etc.
Mais sans mesure, cet éclairage reste éphémère. Il faut, en parallèle, améliorer la mesure de la création et destruction de valeur sociale et environnemental, la rendre lisible et comparable. C’est à ce travail de standardisation des métriques que s’attache aujourd’hui l’Europe au travers des travaux sur la taxonomie verte et sur la révision de la directive NFRD, non seulement au nom de ces objectifs mais également pour défendre un modèle européen de capitalisme et de société.