Alors que la France est en passe de connaître un 2e pic épidémique et que le plan de relance est débattu à l’Assemblée Nationale, le Climate Finance Day s’est tenu à Paris, au Palais Brogniart le 29 octobre dernier. La question du financement de la transition écologique et le redémarrage de l’économie européenne ont été abordés.
"La crise que nous traversons est sans précédent et nous avons besoin de réponses innovantes. Développer une action du secteur financier qui contribue à un monde plus durable et à la création d’emplois est l’un des enjeux majeurs de la place de Paris" a ainsi déclaré Augustin Romanet, Président de Paris Europlace, en ouverture de l’événement.
L’enjeu est de taille, la volonté politique forte en Europe, celle de construire un modèle économique bas carbone, capable d’atteindre les objectifs fixés par les Accords de Paris. Si l’impulsion est venue avant que ne frappe la crise, le défi est désormais de relancer l’économie sur de nouvelles bases.
Une volonté politique claire
Après avoir pris l’engagement de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre en 2008, la Commission européenne a franchi un nouveau cap en septembre en se fixant l’objectif de devenir la première région économique du monde à être neutre en carbone d’ici 2050. Une volonté qui se traduit par le lancement d’un vaste plan de transformation de l’économie européenne, le Green Deal, doté d’un budget de 983 millions d’euros et dont la vocation est de mobiliser l’investissement privé pour réunir près d’un trillion d’euros en faveur de la transition énergétique.
En France, c’est également l’orientation privilégiée par le ministre de l’Economie qui a appelé à assurer « une rupture environnementale dans les politiques publiques » et a présenté un plan de relance de 30 milliards d’euros au service de la rénovation énergétique et des transports. Lors de son intervention au Climate Finance day, Bruno Lemaire a d’ailleurs développé la stratégie climat du gouvernement, avec notamment l’initiative récente sur la trajectoire de fin des garanties à l’export, qui concernera le pétrole de schiste dès 2021, le pétrole en 2025, et le gaz naturel en 2025.
L’engagement de l’ensemble des acteurs financiers, critique pour orienter l’investissement
Comme la Commission européenne, la France compte sur la mobilisation des acteurs financiers pour réorienter l’épargne et les produits d’assurance-vie vers des placements qui soutiennent de nouveaux projets d’infrastructure énergétique, le développement de filières décarbonées, etc.
Les institutions financières ont un rôle crucial à jouer dans l’intégration des critères ESG au sein de l’économie.
Mais cette modification des pratiques repose aussi sur leurs clients. Les Directions financières, garantes de l’information destinée au pilotage de l’entreprise comme à la communication au marché, sont responsables de la définition des objectifs et éléments de perspective, la gestion des risques de réputation liés aux parties prenantes et dans la communication financière et extra-financière sur la durabilité de l’entreprise. Elles doivent être suffisamment sensibilisées aux enjeux ESG pour se tourner vers de nouveaux produits financiers durables.
Un cadre réglementaire en construction
De cette impulsion politique est en train de naître un nouveau cadre réglementaire. En mars 2018, la Commission européenne a décliné son ambition dans un plan dédié aux acteurs financiers, « Financer la croissance durable », à travers 3 axes :
- Réorienter les flux de capitaux vers une économie plus durable,
- Intégrer systématiquement la durabilité dans la gestion des risques,
- Favoriser la transparence et le long terme.
Des textes réglementaires sont en cours d’élaboration ou d’adoption sur chacun de ces trois piliers.
Ainsi le règlement européen Taxonomie, dont les premières mesures ont été adoptées en juin, prévoit la classification des activités durables en matière de changement climatique, sur le plan environnemental et social. La création d’une norme européenne sur les obligations vertes est en cours. La révision des lignes directrices sur l’information non-financière, quant-à-elle, devra améliorer la publication d’informations en matière de durabilité et la réglementation comptable. Au sein de cette réflexion globale, une discussion est même menée sur la faisabilité d’une modification du cadre prudentiel.
Les acteurs financiers devront donc s’atteler à des exigences de mise en conformité, se doter de moyens pour mieux gérer les risques liés au changement climatique, et faire évoluer de leur offre produits (obligations vertes, prêts durables (sustainability-linked loans), labellisation de fonds, etc.). La reprise sera à aborder avec de nouveaux critères, et ce malgré les difficultés pratiques que cette nouvelle donne peut représenter.
Malgré la seconde vague de la crise sanitaire dont les effets s’annoncent brutaux à l’échelle mondiale, le caractère vert des plans de relance devrait rester une priorité pour assurer la mise en œuvre effective de la transition bas carbone. De même, il est essentiel que l’ensemble de l’écosystème financier : banques, institutions, Directions financières, agences de notations … se mobilise pour mieux intégrer les risques ESG, concevoir et s’orienter vers des produits financiers durables.